L’essor de la production scientifique mondiale et sa disponibilité croissante en ligne ont engendré un besoin d’identification univoque et pérenne des ressources. Face aux millions d’artefacts (publications, jeux de données, logiciels etc.) produits par une multitude de chercheurs, les systèmes d’identification des auteurs ont été développés pour répondre à cette nécessité. Ces systèmes permettent non seulement de distinguer chaque auteur de manière unique et durable, mais aussi de faciliter le repérage de leurs travaux, améliorant ainsi la visibilité et l’attribution correcte des productions scientifiques.
L’adoption de ces identifiants (pérennes) répond aux exigences croissantes des acteurs de la recherche, tels que les éditeurs, les agences de financement et les institutions, qui intègrent de plus en plus leurs utilisations dans leurs processus de publication et de financement.
Ces systèmes d’identification ont le mérite d’améliorer significativement l’interopérabilité au sein de l’écosystème de la recherche. En permettant de relier efficacement les différentes informations relatives à un chercheur (publications, affiliations, financements, etc.), ils facilitent l’échange de données entre systèmes. Ils constituent ainsi un élément clé pour optimiser la gestion, le partage et la visibilité des productions scientifiques d’un chercheur dans un environnement de plus en plus numérique et interconnecté.
1. Usages des identifiants chercheurs : le cas de la France
Une enquête nationale réalisée par les collègues de l’URFIST auprès de 6 125 chercheurs français met en évidence une perception contrastée des identifiants numériques chercheurs (INC), tels qu’IdHAL et ORCID.1
Bien que la majorité des répondants connaisse ces outils et qu’une proportion significative possède un compte, l’adoption varie considérablement selon les disciplines. Les chercheurs en Sciences, Techniques et Médecine (STM) montrent une familiarité plus marquée avec ces identifiants par rapport à ceux en Sciences Humaines et Sociales (SHS), soulignant ainsi des disparités dans l’intégration de ces outils. Aussi, l’enquête montre que les chercheurs de moins de 30 ans sont les moins familiers avec ces identifiants, tandis que ceux âgés de 31 à 45 ans sont-ils les plus familiers. Cette tendance s’explique probablement par le fait que les chercheurs plus jeunes sont en début de carrière et n’ont peut-être pas encore été confrontés à la nécessité d’utiliser les identifiants.2
Les motivations pour utiliser ORCID incluent sa pérennité, la création d’un profil en ligne et la simplification des tâches administratives. Ces facteurs reflètent une approche pragmatique des chercheurs, qui reconnaissent les bénéfices associés à l’utilisation des INC.
Cependant, plusieurs freins subsistent, notamment le faible développement d’ORCID dans certaines communautés, un manque d’intérêt général, la complexité d’utilisation des plateformes et des préoccupations liées à la protection des données personnelles. L’enquête révèle également un besoin important d’initiation et de formation pratique aux INC, particulièrement au sein des SHS et chez les doctorants. Les chercheurs expriment la nécessité d’un cadre national et institutionnel clair pour encadrer l’utilisation de ces identifiants, ce qui souligne l’importance d’un soutien structuré pour faciliter leur adoption dans le milieu académique.
2. Panorama
Voici un aperçu des principaux systèmes d’identification et de profilage des auteurs actuellement utilisés dans le monde de la recherche.
1. ORCID ID
ORCID (Open Researcher and Contributor ID) est sûrement l’identifiant le plus valorisé et se distingue par son approche centrée sur l’utilisateur. Le service permet aux chercheurs de créer, gérer et éditer leur historique de publications, avec la possibilité d’importer des données depuis divers systèmes. Cette interopérabilité avec d’autres systèmes exitants fait sa principale force. Les institutions peuvent créer des blocs d’identifiants que les auteurs peuvent ensuite revendiquer.
ORCID offre une API extensive pour la recherche et l’authentification. Il est reconnu pour son caractère ouvert, durable et gouverné par la communauté.
Pour en savor plus de l’ORCID
Tutoriel pour créer son Orcid ID
2. IdHAL
L’IdHAL, ou identifiant HAL, est proposé par l’archive ouverte HAL pour gérer l’identité numérique des chercheurs. Cet identifiant unique permet de regrouper toutes les publications d’un auteur, quelles que soient les différentes formes sous lesquelles son nom a été saisi.
En offrant la possibilité de choisir une forme nominative par défaut, l’IdHAL assure une cohérence dans la présentation des travaux scientifiques, facilitant ainsi leur identification et leur valorisation. De plus, l’IdHAL s’intègre au profil utilisateur dans HAL, permettant une mise à jour automatique du référentiel auteur sans fusion des différentes formes nominatives. Cette fonctionnalité garantit l’intégrité des données tout en simplifiant le processus de dépôt de nouvelles publications.
L’une des applications pratiques les plus remarquables de l’IdHAL est la génération automatique d’un curriculum vitae scientifique, offrant aux chercheurs un moyen efficace de présenter leur production scientifique de manière structurée et accessible.
3. Scopus ID
Ce système, développé par Elsevier (propriétaire), utilise des algorithmes pour créer des identifiants et des profils d’auteurs. Il se base sur des critères tels que l’affiliation, le domaine de recherche et d’autres caractéristiques propres à l’auteur. Bien que l’accès à la recherche d’auteurs soit réservé aux abonnés, Scopus ID offre une API extensive.
Une particularité de ce système est la possibilité pour un auteur d’avoir plusieurs profils, en particulier s’il travaille dans différentes disciplines ou institutions.
4. ResearcherID
ResearcherID est un système d’identification unique pour les auteurs scientifiques, lancé en 2008 par Thomson Reuters (désormais Clarivate Analytics). Il vise lui aussi à résoudre le problème de l’identification des auteurs et de l’attribution correcte des ressources. Les chercheurs peuvent utiliser ResearcherID pour revendiquer leurs œuvres publiées et les associer à leur identifiant unique et permanent. Le système est intégré à d’autres plateformes, comme Web of Science et ORCID, permettant un échange de données entre ces bases de données.
4. arXiv Author ID
Ce système est spécifique à la discipline de la physique des hautes énergies. Il vise à désambiguïser les articles au sein du dépôt arXiv. Les identifiants sont créés et maintenus par les utilisateurs, avec une population semi-automatique des profils.
5. RePec Author Service
Dédié au domaine de l’économie, ce service permet aux utilisateurs de revendiquer leurs publications à partir d’une liste fournie par des éditeurs académiques et des archives institutionnelles. Il ne dispose pas d’API mais est utilisé par les services RePEc.
6. Google Scholar Profiles
Ce système, intégré à Google Scholar, propose des profils d’auteurs semi-automatisés. L’importation initiale est basée sur des algorithmes, mais les utilisateurs peuvent ajouter ou supprimer des travaux. Bien qu’il ne soit pas conçu comme un identifiant d’auteur à proprement parler, il est largement utilisé dans la communauté académique.
Pour créer son profil Google Scholar
7. Microsoft Academic Research ID
Tout comme Google, son concurrent Microsoft propose des profils d’auteurs générés automatiquement mais modifiables par les utilisateurs. Ce système offre des outils supplémentaires tels que la visualisation des co-auteurs et le décompte des citations. Contrairement à Google Scholar, Microsoft propose une API, mais son utilisation est limitée à des fins non commerciales et académiques.
8. ISNI (International Standard Name Identifier)
L’ISNI est dérivé semi-automatiquement des catalogues de bibliothèques et d’autres sources fiables, avec une intervention humaine pour le contrôle qualité. Il fournit une interface de recherche et une API de requête extensive. Bien que les utilisateurs ne puissent pas éditer directement leurs profils, ils peuvent suggérer des modifications.
9. Réseaux professionnels et académiques
Des plateformes comme LinkedIn, Mendeley Profiles, Academia, et ResearchGate, même si elles ne sont pas conçues spécifiquement comme des systèmes d’identification d’auteurs et qu’on ne soit pas sûr de leurs pérénités, jouent un rôle dans la gestion des profils académiques et professionnels. Elles offrent des fonctionnalités de réseautage, de collaboration et de gestion des publications, et sont fréquemment utilisées par les chercheurs pour maintenir leur présence en ligne.
En conclusion, la diversité des systèmes d’identification des auteurs reflète la complexité et les besoins variés de la communauté scientifique. Chaque système présente ses avantages et ses limites, et le choix d’utilisation dépend souvent des pratiques spécifiques à chaque discipline ou institution. La tendance actuelle semble favoriser les systèmes ouverts et interopérables, capables de s’intégrer dans l’écosystème plus large de la communication scientifique.
- Bouchard, A., & Boudry, C. (2024). Utilisation et usages des identifiants numériques chercheurs en France. Synthèse de l’enquête nationale 2023 (Doctoral dissertation, Réseau des URFIST) [↩]
- Boudry, C., & Bouchard, A. (2024). Adoption and use of author identifier services: A French national survey. Learned Publishing, e1640. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Innocent AZILAN (20 novembre 2024). Systèmes d’identification numérique des chercheurs : panorama. ComSci. Consulté le 7 décembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12q6p